Après avoir passé une année en compagnie d'un étudiant parfaitement infréquentable, le jeune Matsudara était heureux de changer. Peu importait l'étudiant sur lequel il allait tomber cette fois. Il ne pourrait pas être pire. D'abord, son premier colocataire avait montré un défaut redoutable : il était hétérosexuel au possible. Les murs s'étaient vites couverts d'actrices dénudées et autres playmates aux formes généreuses, et l'espace sonore s'était empli de la bande-son répétitive de films bien connus, du type Katsumi à l'école des sorcières.

De plus, il n'aimait pas travailler, ce qui lui avait d'ailleurs valu son renvoi en fin d'année, un événement qui n'avait ni surpris ni attristé Iwao. Son temps libre avait encore accentué sa tendance à mater des films louches ou à inviter des amis pour jouer en réseau à des jeux de baston, passe-temps tout à fait honorable lorsqu'il conserve certaines limites ; or, il semblait que le triste personnage était dépourvu d'horloge interne et naturellement de bonnes manières.

Ce n'étaient là que quelques-uns de ses défauts, adjoints à sa manie de parler tout seul - pour ne rien dire d'intéressant, en plus -, à son sens de l'humour déplacé, à son insistance à se mêler de ce qui ne le regardait pas, à son manque d'hygiène corporelle, à ses crises de colère... Iwao aurait encore préféré habiter avec Sherlock Holmes, c'est dire. Lui au moins il n'était pas hétéro, à part peut-être cette fameuse Irène... bah, Iwao aussi s'était laissé entraîner hors du droit chemin une fois dans sa vie, et d'ailleurs il s'était bien promis qu'on ne l'y prendrait plus.

C'est donc avec une impatience confinant à l'enthousiasme qu'il reçut ses papiers administratifs certifiant son emménagement avec un certain...

Il relut. Non, il ne se trompait pas.

Un peu plus tard, il frappait à la porte de l'appartement en question, ses sacs sur le dos, en se répétant qu'après tout ils auraient sans doute des goûts communs en matière de choix d'affiches, et que dans un sens ce n'était pas si catastrophique. Mais voilà un défaut auquel il n'avait pas pensé... Eh oui, son colocataire était une fille. Bon, avec un peu de chance ce serait une geekette à fond dans ses études, dont il n'aurait à supporter que le son des doigts tapant sur son clavier. Beaucoup de filles étaient comme ça à l'Université, lui avait-on dit.